L’anxiété chronique et ses manifestations ponctuelles, les crises d’angoisse, peuvent être très handicapantes. Mais comme le réflexe anxieux ne nous dit rien de ses raisons, il est difficile d’avoir une approche rationnelle pour l’endiguer. C’est pour ça qu’une psychothérapie pour l’anxiété généralisée aborde le problème d’une manière tout-à-fait différente, aussi créative que spontanée.
1- Qu’est-ce que l’anxiété ?
L’anxiété est l’émotion qui accompagne la mobilisation de nos ressources physiques en réponse à un danger imminent. Cette mobilisation produit d’important changements physiologiques : notre rythme cardiaque s’accélère, notre digestion est suspendue, et notre système sanguin s’adapte rapidement pour alimenter notre cerveau au détriment du reste de notre corps.
Cette réponse à un facteur externe de stress est tout-à-fait naturelle, et la plupart du temps, elle est également utile en dépit de son caractère désagréable.
Nous pouvons alors devenir pâles, avoir le tournis, ou être saisis de tremblements. Ces réactions sont normales. Elles témoignent de l’investissement énergétique que représente le réflexe de “lutte ou de fuite” (le “fight or flight”).
Cette réponse à un facteur externe de stress est tout-à-fait naturelle, et la plupart du temps, elle est également utile en dépit de son caractère désagréable. Car même si nous ne vivons plus sous la menace de grands prédateurs, l’anxiété nous sert encore au quotidien : par exemple, elle nous permet d’être plus performants pour une présentation importante, un examen ou une activité sportive. L’anxiété est néanmoins problématique dans certains cas, que nous allons passer en revue dans ce court article.
2- Anxiété ou angoisse ?
Tout d’abord, un point de vocabulaire pour mieux comprendre le phénomène de l’anxiété et commencer à l’aborder sous l’angle de la psychopathologie. Les mots “anxiété” et “angoisse” sont souvent utilisés de manière interchangeable et décrivent une émotion apparentée à la peur. Ils partagent d’ailleurs une étymologie, comme nous le rappelle le psychiatre Christophe André : “le mot latin angere, qui signifie serrer et qui renvoie aux conséquences physiques de ces états mentaux(1)”.
L’angoisse, en somme, peut être vue comme un pic d’anxiété.
Cependant, ils ont un sens un peu différent, et il convient de le rappeler ici. André explique : “En général, on parle d’angoisse pour renvoyer à une expérience psychologique ponctuelle, déstabilisante et intense, faite d’un sentiment de perte de contrôle et d’imminence d’un danger grave (2)”. L’anxiété, elle, décrit “un état moins déstabilisant mais plus chronique, consistant en un souci difficile à contrôler(3)”. Donc, le terme d’angoisse met l’accent sur la réponse physiologique, et celui d’anxiété sur la réponse psychologique.
L’angoisse, en somme, peut être vue comme un pic d’anxiété. Là ou elle paraît nous paralyser pour un moment, l’anxiété, elle, peut nous miner pendant des semaines, voire des mois ou des années. Et c’est elle, puisqu’elle ne passe pas, qui amènera le plus souvent la personne anxieuse à chercher de l’aide. Il est heureusement possible d’entamer une psychothérapie pour l’anxiété généralisée.
3- L’anxiété généralisée
L’anxiété qui “mine”, c’est le Trouble Anxieux Généralisé, (TAG), ou anxiété généralisée. Cette anxiété-là, “persistante, […] ne survient pas exclusivement, ni même de façon préférentielle, dans une situation déterminée (l’anxiété est “flottante”(4)).” On parle également à ce moment-là d’anxiété chronique.
On aura alors l’impression d’un cercle vicieux, où on a, en quelque sorte, “peur d’avoir peur”.
Ansi, la personne souffrant d’un trouble anxieux généralisé subira, en quelque sorte, une triple peine. D’abord, elle ressentira les symptômes anxieux de manière plus aigüe. Ensuite, ces symptômes seront plus vécus comme des intrusions incompréhensibles, ce qui, à son tour, créera une anxiété supplémentaire, qui ira renforcer le fond anxieux, et ainsi de suite. On aura alors l’impression d’un cercle vicieux, où on a, en quelque sorte, peur d’avoir peur.
Ceci est une conséquence de la nature même du réflexe anxieux : ses symptômes ne nous renseignent malheureusement pas sur ses causes. L’anxiété se contente en effet de marquer la mobilisation de notre corps pour la fuite ou le combat : elle n’est pas là pour nous apprendre quoi que ce soit. Dans ces situations d’anxiété chronique, il est donc inévitable qu’on se sente désarmé, voire désespéré. C’est dans de telles situations qu’il convient de rechercher une aide professionnelle.
4- Comment traiter l’anxiété généralisée ?
Plusieurs approches sont régulièrement recommandées pour traiter le trouble anxieux généralisé. Elles tombent sous deux grandes catégories : la première, favorisée par le système de santé britannique, cherche à contenir puis maîtriser le symptôme dans une intervention à court terme. La deuxième, pratiquée de manière plus extensive en clinique privée, va privilégier la recherche des sources du trouble anxieux plus que ses manifestations externes.
C’est dans notre inconscient que résident et se transforment les processus qui nous font avancer, comme ceux qui nous tiennent en échec.
Cette différence d’approche s’explique, dans une bonne partie, par des considérations financières. Les thérapies cognitives et comportementales sont en effet des interventions à court terme visant des résultats concrets et assez rapides. Les thérapies psychanalytiques ou intégratives, par contre, bien qu’elles soient très efficaces et qu’elles apportent des résultats durables, sont des traitements dont les effets se font sentir à long terme, et pour lesquelles les mesures de succès sont plus vastes, plus complexes et plus nuancées.
5- Le rôle de l’inconscient dans l’anxiété
Avant d’en dire plus sur la psychothérapie pour l’anxiété généralisée, il faut faire un point sur le rôle de l’inconscient dans l’anxiété. “L’inconscient”, c’est est le nom qu’on donne aux processus mentaux qui se déroulent à notre insu – le psychanalyste Jacques Lacan avait d’ailleurs proposé qu’on adopte ce terme d’ “insu” pour parler de l’inconscient.
La plus grande partie de notre vie mentale est inconsciente. Et c’est bien normal : nous n’avons tout simplement pas assez de bande passante pour être au fait de toutes nos émotions, pensées et sensations, et notre mémoire est trop vaste pour que nous nous la gérions entièrement de manière consciente. Les choses, en quelque sorte, “se font toutes seules”, mais d’une manière qui nous est unique à chacun, et qui est façonnée par nos expériences les plus anciennes.
Le but d’une psychothérapie, qu’elle soit psychanalytique ou intégrative, est d’aider la personne à découvrir, comprendre et changer son fonctionnement inconscient sur la durée.
Par conséquent, nos motivations, nos compétences, notre capacité à travailler et à être en relation avec nous-mêmes et les autres, sont le produit de processus que nous ne maîtrisons pas. C’est dans notre inconscient que résident et se transforment les processus qui nous font avancer, comme ceux qui nous tiennent en échec. C’est donc à l’inconscient que la psychothérapie va s’adresser.
Le but d’une psychothérapie, qu’elle soit psychanalytique ou intégrative, est d’aider la personne à découvrir, comprendre et changer son fonctionnement inconscient sur la durée. De cette manière, l’anxiété sera abordée à partir de la racine, et non à partir du symptôme. Et, à mesure que la psychothérapie suit son cours, ce dernier sera de plus en plus susceptible de réduire en intensité ou de disparaître.
6- Le travail sur l’inconscient dans la psychothérapie
Quelques questions s’imposent cependant : si l’inconscient est hors de notre portée, comment le découvrir ? S’il est “insu” et qu’il le reste, comment le comprendre ? Et s’il ne nous obéit pas, comment changer la façon dont il fonctionne ?
L’inconscient ne peut, en fait, être abordé qu’en ses propres termes. C’est à dire que, puisqu’il ne nous obéit pas et se dérobe à notre faisceau conscient, il faut, pour s’en rapprocher, et pour développer une intimité avec lui (et donc, avec soi-même), non pas aller le chercher, mais avoir la patience qu’il se montre. Et à ce moment-là, il est possible de le reconnaître et de le comprendre. Une psychothérapie fournit les conditions pour que cela se passe.
Dans une psychothérapie, on privilégie ce que Freud appelle la libre-association, c’est à dire, le fait de dire ce qui nous passe par la tête sans chercher ni à filtrer ni à comprendre – c’est plus difficile et plus libérateur qu’il n’y parait. Le thérapeute donne l’espace à son patient de partager ce qui se présente, que cela paraisse important ou trivial, drôle ou douloureux, que cela fasse du sens ou que cela sorte de nulle part.
7- Que veut dire “aller bien” ?
A propos de libre association, Lacan écrit : “Dans une phrase prononcée, écrite, quelque chose vient à trébucher. Freud est aimanté par ces phénomènes, et c’est là qu’il va chercher l’inconscient.(5)” Lacan nous dit donc que l’inconscient se manifeste quand on “trébuche”, c’est à dire, quand on relâche son attention et qu’on fait une “erreur”.
Suivre une psychothérapie pour l’anxiété généralisée, c’est en fait se donner une opportunité d’éprouver notre présent à sa mesure exacte; c’est se libérer progressivement de l’empreinte, de l’étreinte de son passé.
Ces erreurs jettent la lumière sur des vérités qu’on se tait à soi-même. Quand on se “trompe”, le masque tombe alors qu’on manifeste son psychisme de manière spontanée : sans les défenses, les dénis ou les fioritures habituelles. C’est la fonction du thérapeute que d’aider la personne à voir sa vérité au détour de ses erreurs, et s’apprécier à sa juste valeur, dans sa totalité, et, à terme, à faire la paix avec son inconscient.
Aller bien, c’est fonctionner au quotidien sur cette base-là, c’est à dire, faire la part du présent et du passé pour nous mobiliser de la manière la plus efficace, la plus appropriée et la plus créative. Suivre une psychothérapie pour l’anxiété généralisée, c’est en fait se donner une opportunité d’éprouver notre présent à sa mesure exacte; c’est se libérer progressivement de l’empreinte, de l’étreinte de son passé.
Notes
2 Ibid.
3 Ibid.
4 https://icd.who.int/browse10/2008/fr#/F41.1
5 Jacques Lacan, “Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse”, Editions du Seuil, Paris, 1973
En moins de 100 mots
- Au départ, l’anxiété est là pour nous aider à vivre
- L’anxiété chronique est persistante et parfois sans rapport avec notre situation présente
- Une psychothérapie pour l’anxiété généralisée s’attaque aux racines du problème, et le traite sur la durée.
- Comme l’anxiété chronique est d’origine inconsciente, la traiter passe par l’écoute de l’inconscient
- La fonction du psychothérapeute est d’aider le patient à développer cette écoute
- La psychothérapie équipe la personne pour vivre plus librement
Cédric Bouët-Willaumez est psychothérapeute à Londres, exerçant en cabinet privé depuis plus de 20 ans. Vous pouvez le contacter pour prendre rendez-vous au +44 7876 035 119, ou en suivant ce lien.