Une psychothérapie en profondeur est un traitement approprié et efficace pour la dépression. Mais bien que les symptômes de la dépression soient bien connus, le déroulement et les effets d’une psychothérapie pour la dépression sont entourés de mystère. Cet article en décrit et illustre quelques principes.
1 – Les symptômes de la dépression
C’est un des maux de l’âme les plus répandus, puisqu’une personne sur cinq en sera affectée au cours de sa vie. Et comme c’est une souffrance encore stigmatisée dans bien des cas, on peut hésiter à se l’avouer, et surtout à rechercher un diagnostic formel. On parle plus volontiers de “mauvaise passe”, de “coup de mou”.
“Je suis d’un humeur telle que, si j’étais sous l’eau, c’est à peine si je bougerais pour remonter”.
John Keats
Pourtant, les symptômes, pour la plupart bien connus, peuvent être très difficiles à vivre. Philipe Labro illustre ce mal avec éloquence dans son livre “Tomber sept fois, se relever huit”, où il fait le récit de sa propre expérience. “Perte du désir, je n’ai plus goût à rien. Manger est une épreuve, boire une punition. La mandarine n’a plus de goût, la purée ne passe pas à travers la gorge, le café laisse des traces d’amertume”.
Ce mal physique s’accompagne le plus souvent d’une tristesse qui dure, et qui paraît parfois ne pas avoir d’objet ni de cause ; de ruminations ; d’une difficulté à se concentrer, voire à penser ; d’une irritabilité. Le poète John Keats résume bien la condition quand il écrit à un ami : “Je suis d’un humeur telle que, si j’étais sous l’eau, c’est à peine si je bougerais pour remonter”.
“Même si un épisode dépressif peut paraître limité dans le temps, la condition chronique sous-jacente doit être traitée pour éviter une rechute. Si ce n’est pas fait, cela se produira dans 75% des cas”
Les mots de Keats illustrent un des aspects les plus difficiles à vivre de la dépression : la perte de toute perspective, de toute force, de tout espoir. Il est difficile alors, voire impossible, d’imaginer qu’on puisse nous aider, et qu’il soit possible de ressentir autre chose un jour.
Pourtant, l’aide est bien là, et elle peut être très efficace. Elle est aussi nécessaire. Car même si un épisode dépressif peut paraître limité dans le temps, la condition chronique sous-jacente doit être traitée pour éviter une rechute. Si ce n’est pas fait, cela se produira dans 75% des cas.
Tous les patients qui m’ont été adressés par des médecins pour une psychothérapie interpersonnelle pour la dépression se sont vus d’abord recommander un antidépresseur. La plupart d’entre eux avaient décidé de suivre cette recommandation en même temps qu’ils suivaient une psychothérapie.
“Il est recommandé de consulter un psychothérapeute, qu’on suive un traitement médicamenteux ou non.”
Le médicament peut être très utile, et “marche” souvent, même s’il y a un vrai débat sur cette efficacité et sur la meilleures manière de la mesurer. Au mieux, il permet d’atténuer les symptômes les plus difficiles à gérer, et de continuer à “fonctionner”.
Mais s’il peut endiguer un épisode dépressif, il ne constitue pas un traitement de fond de la dépression. C’est pourquoi il est recommandé de consulter un psychothérapeute, qu’on suive un traitement médicamenteux ou non.
Traiter la dépression au moyen d’une psychothérapie peut représenter un investissement considérable. C’est parce que c’est une approche rigoureuse qui va au delà du symptôme – sans l’ignorer – pour aborder en profondeur tout l’ensemble du psychisme de la personne.
C’est une démarche qui s’inscrit dans le temps et dans la régularité, et dont les effets peuvent être très profonds. Par exemple, j’ai noté qu’une personne peut devenir plus calme, plus résiliente, plus libre et créative si elle a suivi une psychothérapie.
Mes patients en début de traitement me demandent souvent que je les aide à trouver des “clés”. Dans l’imaginaire de beaucoup d’entre eux, ce sont d’anciens traumatismes enfouis dans l’inconscient qu’il suffit de mettre au jour pour que le mal soit neutralisé. Ces choses existent bien, mais c’est très rarement le cas qu’il suffise d’une pour expliquer – et soulager totalement – une expérience aussi complexe que la dépression.
“Le thérapeute saura s’intéresser à ce qui paraît inintéressant, et aidera le patient à trouver le fil rouge dans ses pensées, même si elle paraissent décousues.”
C’est ce coté imprévisible et irrationnel qui sollicite beaucoup la personne et lui demande le plus de persévérance. C’est d’ailleurs souvent ce qui motive leurs demandes de solutions concrètes et rapides. Mais le thérapeute saura garder à l’esprit que, pour écouter l’inconscient, il faut agir et penser indépendamment des pressions conscientes.
Le thérapeute saura s’intéresser à ce qui paraît inintéressant, et aidera le patient à trouver le fil rouge dans ses pensées, même si elle paraissent décousues.
Ce désir de trouver la clé, c’est en partie le résultat de la mystique qui entoure le travail de Freud, qui est souvent représenté de manière incomplète. C’est aussi un message du patient qui veut aller mieux vite, car vivre une dépression peut parfois être insupportable et mener à l’irréparable. Le risque de décès par suicide est effectivement multiplié par 25 chez les personnes souffrant de dépression.
Donc, il n’y a le plus souvent pas une seule clé, mais une multitude, et elles se trouvent rarement où on les attend. C’est pourquoi la psychothérapie ne se contente pas d’une enquête méthodique et rationnelle sur le passé de la personne. Il s’agit de suivre l’inconscient au plus près, tel qu’il se manifeste spontanément au détour du discours et du comportement conscients lors de la séance, dans la digression, le lapsus, l’improvisation.
Il n’y a pas de parcours type. Mais on peut dire que le fonctionnement d’une thérapie est à l’image de l’amélioration qu’elle propose, et que Philippe Labro décrit avec ces mots : “elle est invisible, inaudible. Elle arrive à tout petits pas sur les toutes petites pattes d’un tout petit chat, on ne l’entend pas venir”.
L’aspect le plus important d’une psychothérapie est d’apprendre à se voir de manière juste. A cet égard, il n’y a pas de détail qui soit insignifiant. Le thérapeute aidera le patient à developper cette discipline jusqu’à ce qu’elle aussi devienne inconsciente. Comme le dit enfin Labro, “si vous avez cru discerner le murmure assourdi des pattes du petit chat, ne l’oubliez pas”.
1 https://www.inicea.fr/la-depression-chiffres-cles#chapitre
2 Philippe Labro, “Tomber sept fois, se relever huit”, Folio, Paris, 2003, p. 37
3 https://www.inicea.fr/la-depression-chiffres-cles#chapitre
4 https://www.cambridge.org/core/journals/the-british-journal-of-psychiatry/article/antidepressants-on-trial-how-valid-is-the-evidence/E94E7663ACBC91A287A462E06B7B12EC
5 https://www.inicea.fr/la-depression-chiffres-cles#chapitre
6 Philippe Labro, “Tomber sept fois, se relever huit”, Folio, Paris, 2003, p. 178
7 ibid.
En moins de 100 mots
- Un problème rencontré par beaucoup
- Les symptômes en sont connus (tristesse qui dure, perte de désir, d’énergie, irritation, troubles de la concentration et de la mémoire)
- Une très forte chance de rechute si le problème n’est pas traité
- Si le médicament peut endiguer un épisode dépressif, la psychothérapie pur la dépression est un traitement de fond qui s’adressera au problème chronique
- Pour être efficace, le traitement demandera une certaine persévérance
- Le but sera d’aider la personne à développer une vue juste et cohérente de sa personne
- Une psychothérapie interpersonnelle pour la dépression apporte des changements graduels
Cédric Bouët-Willaumez est psychothérapeute à Londres, exerçant en cabinet privé depuis plus de 20 ans. Vous pouvez le contacter pour prendre rendez-vous au +44 7876 035 119, ou en suivant ce lien.